Chaque soir depuis 2021, Roland-Garros s’illumine pour sa fameuse « night session », un spectacle où lumière et musique créent une ambiance unique. Pourtant, lors des deux dernières soirées, ce rendez-vous a pris des allures de « leçon nocturne ». Les deux meilleurs joueurs du monde, Jannik Sinner et Carlos Alcaraz, ont largement dominé leurs adversaires, Andrey Rublev et Tommy Paul. La nuit semble-t-elle moins propice aux surprises ? Sans affirmer que la nuit favorise systématiquement les meilleurs, ceux-ci ont sans doute un avantage dans ce cadre qu’ils connaissent mieux que les autres.
Sinner et Alcaraz ont déjà disputé deux « night sessions » cette année, contrairement à leurs adversaires. Sur terre battue, les conditions peuvent fortement varier : en temps froid, l’humidité ralentit la balle et le rebond. En revanche, avec la chaleur actuelle, Alcaraz a pu exercer une pression intense sur Tommy Paul, usant de sa puissance pour l’étouffer.
« Je ne peux pas ne pas aimer la night session »
Malgré ces matchs peu équilibrés, j’avoue adorer l’ambiance particulière des « night sessions ». Je pense notamment à New York… Quand je commentais l’US Open pour Canal+ à l’époque de Sampras et Agassi, la nuit au stade Arthur Ashe offrait une atmosphère incomparable : la vue sur Manhattan au coucher du soleil, la ferveur des fans américains, le retour nocturne avec le pont de Brooklyn illuminé…
À Paris, chaque « night session » soulève des débats : choix des matchs, absence d’affiches féminines, forfaits… autant de polémiques. À New York, c’est différent : la « night session » est le point d’orgue de la journée. Le public d’affaires s’installe à 19h30 avec l’hymne américain, le match féminin chauffe l’ambiance, puis la grande rencontre masculine commence souvent après 22 heures, parfois jusqu’à 2 ou 3 heures du matin. Ce spectacle incarne parfaitement l’esprit de l’US Open, le Grand Chelem le plus exigeant.
Une passion pour le tennis nocturne
Les grands joueurs apprécient généralement ces soirées, où l’ambiance est plus intense que le jour. Björn Borg, pourtant, restait réticent, gêné par la lumière artificielle, une attitude partagée un temps par Nadal. Les consultants rechignaient parfois à rester tard dans le Queens, mais personnellement, j’adorais ce rendez-vous nocturne avec des fans passionnés. J’avais même créé « Radio Flush », une émission nocturne relatant l’actualité new-yorkaise, avec des anecdotes mémorables, comme la chasse aux rats dans Manhattan. On vivait pleinement l’esprit de « New York, New York » et sa « City that doesn’t sleep » !
La seule chose que je détestais, c’était le départ des « business angels » vers 23h30, laissant la foule moins experte se réduire. Mais le public restant créait alors une ambiance incroyable, rapprochée autour du court.
Un lien fort avec l’histoire de Roland-Garros
Ces nuits me rappellent aussi ma jeunesse à Roland-Garros. Saviez-vous que l’on jouait déjà de nuit à Paris il y a 50 ans ? Dans les années 70, bien que la « night session » n’existât pas officiellement, les matchs pouvaient se prolonger sous une lumière très sommaire, avec seulement quatre projecteurs fixés sur des poteaux en bois qui gênaient la visibilité.
Je n’oublierai jamais une soirée de 1974 où Ilie Nastase, tenant du titre, avait dû finir un match contre le Français Georges Goven à la nuit tombée. Alors que les spectateurs quittaient peu à peu un Central rarement rempli à l’époque, Nastase s’amusait en lobant plusieurs fois Goven avant de conclure le point… Une ambiance proche de l’exhibition, parfaite pour un showman comme Mansour Bahrami. Ce match, pourtant, était un 1/8e de finale du Grand Chelem !
Quelques années plus tard, ces poteaux furent retirés, et la nuit disparut des programmations parisiennes jusqu’à l’installation du toit en 2020. La « night session » reste donc un phénomène récent à Roland-Garros, limité à un seul match, ce qui suscite forcément des débats.
La nuit et le tennis féminin : un choix encore rare
Malgré la présence d’Amélie Mauresmo dans le passé, aucun match féminin n’a encore été programmé en affiche nocturne à Paris. Cela reflète l’état du tennis féminin, mais aussi la peur d’une rencontre trop courte. Mardi dernier, par exemple, Carlos Alcaraz n’a joué que 1h40, ce qui invite à la réflexion sur le choix des matchs pour ces soirées prestigieuses.